Alors raconte nous ...
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Terrible ... Terrible...

(…)  Pesce persico, pesce persico ! ». Le vendredi matin, le marchand ambulant passait à Solto et nous nous régalions de bon poisson frais. Nous mangions de la perche mais aussi des aole, minuscules poissons séchés au soleil que ma mère croquait en une bouchée : elle avait vraiment bon appétit, Maman, et un estomac de fer. Elle cuisinait les canusei alla bergamasca et leur sauce à la sauge. C’est la farce qui compte dans les canusei : il faut faire revenir à la poêle les restes de plusieurs viandes, abaisser la pasta au rouleau et la farcir ensuite. Elle préparait également de gros cannelloni qu’on parsemait de fromage sec râpé, le bagoss, vendu par des gens qui descendaient de la montagne. Cinq ou six dans l’assiette et on était rassasié. Son risotto alla Pittoca, parfumé au bon bouillon de poule était un régal.

Car nous avions quelques poules, une vache pour le lait et aussi un cochon. Si nous mangions des œufs, en revanche, la viande était rare. Tous les après-midi, ma mère me disait : « Pessta il lardo ». Et je hachais finement le lard pour le minestrone qui mijotait longtemps sur le feu, avec les pommes de terre et les légumes.

Quant au cochon… Ah ça, je sais élever un cochon. On faisait la vaisselle (sans produit bien sûr) et on lui donnait l’eau sale en rajoutant un peu de farine de maïs et de la farine de son. Plus le cochon grossissait, plus on rajoutait de farine. On nourrissait le cochon aussi avec les épluchures qu’on faisait cuire. Quand il y avait de la polenta, le cochon en mangeait comme nous. On l’engraissait jusqu’au jour où venait un gars de Solto pour le tuer. Il y passait la journée. En Italie, on ne travaille pas le cochon comme ici. On hache tout et on en fait des saucisses, des ciuighe, grosses et petites. On mangeait aussi la viande de cochon, bien entendu. On grattait les os et on les mettait à sécher au grenier pendant quelques jours. Quand la viande était sèche, on raclait bien car il y avait encore à manger. Puis on faisait cuire les os, ça dégageait une graisse qu’on récupérait. Le boulanger en faisait un pain délicieux, la fugada. On ne jetait rien, tout était utilisé. On vendait même les poils du cochon. Blancs, raides et durs, ils servaient à faire des pinceaux et des brosses.

Avec des plombs (qui ne coûtaient pas cher), nous tirions sur les petits moineaux. Ma mère en donnait au boucher qui les vendait. Mais elle cuisait aussi un plat appelé polenta e osei. On plumait les petits oiseaux, c’était vite fait, ils étaient si petits. On ôtait le foie qui est amer et on les faisait rôtir avec de la sauge jusqu’à ce qu’ils craquent sous la dent. On mettait la polenta à griller sur les braises et on la mangeait avec les petits oiseaux. C’était bon… (…)